La sculpture prend son volume et vous tient dans son espace transformé autour d’elle. Le pouvoir archaïque des idoles vient de là. Stables en leur lieu, elles font vibrer l’air autour d’elles et donnent une figure nouvelle aux lieux communs. Elles sont tandis que nous passons. Quand les yeux du corps regardent un corps, l’âme lui prête une âme et s’en trouve profondément modelée. Toute sculpture n’est peut-être que le témoin intermédiaire et matériel de ce double modelage spirituel où le travail du sculpteur et le regard de l’amateur façonnent en deux âmes une forme qui leur est commune. Cette forme peut inspirer l’effroi sacré d’une religion de la peur ou la séduction commode de ce qui est agréable et aisément communicable. Mais les sculptures de Véronique Dujardin-Wiart s’affranchissent de ces formes d’idolâtrie que sont la séduction du mal et de la facilité. Ces prêtres d’une religion inconnue ne pratiquent le sacrifice que d’une idéologie bavarde, ils sont hiératiques sans être menaçants, la force est avec eux de toute évidence, mais elle est douce parce qu’elle ne doute pas d’elle-même. Toutes les œuvres de V D. Wiart nous apparaissent comme témoignant d’une civilisation qu’aucune archéologie n’aurait encore découverte. Leur unité est dans leurs formes qui se répondent, comme si l’une avait enfanté l’autre et ainsi de suite, un peu comme un motif peut courir de l’une à l’autre invitant le regard et l’esprit à continuer ce que les lignes et la terre interrompent pour mieux se retrouver ensuite. Animaux imaginaires, personnages sans âge venant d’Afrique, d’Asie et d’occident se retrouvent pour nous et font méditer l’émail et le bronze.
Philippe Gaudin, docteur en philosophie
Emmitouflées dans leurs grands manteaux noir et blanc, les mille sculptures aux mille dessins que V. D. Wiart a sculptées ces vingt dernières années sortent de son atelier chaque année pour s’exposer au sein de galeries préalablement sélectionnées avec soin.
Massées les unes contre les autres, vêtues de modestes kimonos ou de pantalons cannelées, elles se présentent seules ou en couples, jonglent, courent, pêchent, s’agenouillent ou cherchent maladroitement leur envol. Avec leurs visages à peine ébauchés, leurs petites mains plaquées sagement contre leurs corps et leurs rayures et stries bienfaisantes, elles défient ce monde en quête d’éternel jeunesse.
Les sculptures montées au colombin de grès autour d’un vide central ne dépassent jamais plus d’un mètre. Au moment de les fermer, V. D. Wiart leur donne vie en en insufflant l’intérieur à l’aide d’une paille. Les sculptures n’ayant pas d’armature se déploient naturellement, les pans de leurs manteaux tombent, se déforment et se stabilisent. Puis commence cette longue élaboration du relief qui donnera à la forme proposée par le hasard une personnalité dictée par le destin. Le relief se fait motif, puis narration, il se brouille, se transforme et s’élance avant de devenir l’expression rayonnante d’un art puissant.
Tour à tour ménines, japonaises, pêcheurs, équilibristes, samouraïs, les sculptures de Véronique Wiart sont ainsi devenues ces déesses tutélaires qui, par leurs présences, préservent la paix du foyer et qui, le soir venu, nous guident sur le chemin des rêves.
Marie Cordié Levy, docteur en histoire de l’art.